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dimanche 11 janvier 2015

La France déchirée ?

Cette semaine a mis notre démocratie à rude épreuve. L'attaque de djihadistes contre Charlie Hebdo nous a rappelé qu'il est possible en France de mourir pour une idée. Alors que le recueillement et l'union nationale ont été la réaction spontanée de millions de Français, des divisions profondes sont également apparues au grand jour. Quelles seront les conséquences de cette terrible semaine ?

La police, gardienne de la liberté

Je veux commencer cet article par un hommage à la police. On les appelle gardiens de la paix ou forces de l'ordre, ils sont aussi les gardiens de notre liberté. Sans ces hommes et ces femmes, nous serions à la merci de tous ceux qui voudraient nous imposer par la force leurs idées, leur volonté. La police, c'est la force au service de la société, des valeurs de la république et de nos décisions collectives. C'est la raison pour laquelle nous, citoyens, n'avons pas besoin de porter d'arme.
Ils sont en première ligne face à la violence qui nous vise, ils ont payé un lourd tribut cette semaine. Ils ont traqué puis arrêté les terroristes. Depuis longtemps ils en empêchent bien d'autres d'agir, nous leur devons bien des vies et bien des hommages.

Une action, trois réactions

Mercredi, deux hommes armés de kalachnikovs ont imposé leur loi à un journal français. Des fanatiques ont pu condamner à mort des citoyens français depuis le Yémen, pour un blasphème. Leur but est d'imposer une loi du silence partout dans le monde, et nous devons prendre leurs menaces au sérieux. La possibilité de tuer ses contradicteurs est revenue dans notre société alors qu'elle semblait enfermée dans nos livres d'histoire.

J'ai vu trois réactions différentes, qui marquent une déchirure dans la société nationale.

La résilience

La majorité des Français a immédiatement exprimé le refus de céder aux menaces et à la peur. Les nombreux rassemblements affirment l'importance que nous accordons aux valeurs de notre société. Je retrouve dans cette attitude l'enseignement biblique de tendre l'autre joue. Il s'agit de relever immédiatement la tête quitte à l'exposer à un second coup. Il s'agit de répondre aux terroristes qu'ils peuvent nous menacer et nous frapper, mais pas nous imposer leur volonté.

La vengeance

Nous avons déjà constaté des attaques contre les Musulmans de France. La volonté de rendre coup pour coup est humaine. Ce travers est l'un des premiers que la récit de notre création évoque. Dans la Genèse un descendant de Cain, jure de se venger lui-même 77 fois malgré la promesse de Dieu de le venger 7 fois. Dans la foulée le déluge noie cette humanité.
Nous devons rejeter nos pulsions vengeresses car elles ne feront qu'alimenter une violence nuisible à tous. Combien de sang a coulé entre la France et l'Allemagne avant que le dialogue et la coopération s'imposent ? Certains croient ce chemin impossible avec le monde arabe, pourtant il y a cent ans nous mourions par millions dans les tranchées.
Je suis convaincu que les seuls qui puissent vaincre le djihadisme sont les Musulmans.

La justification

La troisième réaction est la justification. Comment lutter contre les amalgames quand de si nombreuses voix d'enfants et d'adultes justifient l'horreur ? Dans les écoles et sur les réseaux sociaux, des citoyens français et leurs enfants prennent parti pour les terroristes. 
Je trouve ces réactions encore plus violentes et inquiétantes que l'attentat lui-même. 
La volonté des groupes qui se sentent dominés à prendre le dessus sur les autres n'est pas nouvelle. C'est même le jeu politique de la droite et de la gauche, tantôt opposition révoltée puis majorité triomphante. Tout ce qui encourage des Musulmans de France à se percevoir comme un groupe dominé entretient la déchirure que nous avons cette semaine sous les yeux.

Le dialogue ou la terreur

Cependant l'idée de devenir par la violence et même la terreur un groupe dominant est moins courante et plus effrayante. Elle n'est pas propre à une religion, elle nous ramène aux pages les plus dures de notre histoire. N'oublions pas que le concept politique du terrorisme est né pendant la révolution française, au service des idées républicaines. C'est le rejet de ces pratiques qui a fondé notre modèle démocratique pluraliste.

C'est bien ce modèle qui est mis au défi. Notre société n'arrive plus à formuler un projet d'avenir et à décider de règles de vie commune qui nous unissent. La confiance entre le peuple et les institutions est rompue, que ce soit l'école, la police ou le gouvernement. 
Au-delà de la résilience, la nation française doit se réapproprier son modèle démocratique et réinventer ses institutions pour les adapter au monde d'aujourd'hui et de demain. Elle doit soutenir particulièrement ceux se trouvent en première ligne dans la lutte contre les extrémismes : l'éducation nationale, la police et l'armée. Nous avons vu que les menaces sur notre mode de vie sont sérieuses, nous devons consacrer une part conséquence de nos efforts et de nos richesses à le protéger et à le perpétuer.

L'avenir reste entre nos mains

Il nous appartient de choisir les conséquences de cette semaine. Elles seront funestes si nous laissons la peur nous diriger. Elles feront honneur à nos valeurs si nous formulons un projet de société qui inspire à nos concitoyens et au monde une nouvelle ère de dialogue.