Libellés

lundi 21 décembre 2015

Manager la génération connectée

Depuis quelques temps, j'ai envie de faire évoluer ce blog. En effet je constate que le support écrit est dépassé par la vidéo. Le sujet de cet article était une bonne occasion, puisque l'idée m'est venue en observant les moins de 20 ans. 
Ce que j'approfondis ici est un texte passé plutôt inaperçu que j'ai intitulé "Vers la société assumée" : http://t-delpech.blogspot.fr/2015/04/vers-la-societe-assumee.html





dimanche 20 décembre 2015

Vers la société assumée

Je suis reconnaissant à mon collègue Bruno d’avoir trouvé le titre de cet article. Après un après-midi de réunion, nous avons discuté autour du dîner de notre relation à la technologie. Nos données personnelles sont devenues une monnaie avec laquelle nous payons nos applications, celui qui l’assume le vit bien. Je me demande alors ce qui se passera lorsque cette circulation des informations paraîtra normale au plus grand nombre.

Cette réflexion est née dans mon esprit à partir de petites choses. L’une des premières est mon téléphone qui un jour m’a expliqué qu’il fallait 20 minutes pour aller de mon domicile à mon travail. La surprise est que je n’ai jamais saisi aucune de ces adresses, l’appareil avait simplement interprété le temps qu’il passait à chacune. Je ne vais pas m’ajouter à la longue liste des pessimistes qui nous expliquent que la dictature numérique est à nos portes, ils sont assez nombreux. Je voudrais imaginer avec vous une société dans laquelle nous assumerons et exploiterons ces possibilités technologiques.

Le droit à l’oubli

Certains intellectuels et professionnels d’internet suggèrent un droit à l’oubli d’un genre nouveau. Des entreprises proposent d’effacer les traces de votre passé sur la toile et l’idée de changer de nom à notre majorité émerge. Je crois qu’un mouvement contraire va faire son chemin.

La volonté d’effacer notre passé est provoquée par le regard que nous mêmes et les autres posons sur nos imperfections. S’il devient impossible de cacher ce qui nous fait honte ou si tout le monde se trouve à égalité devant un internet où tout se sait, ce regard devra évoluer. Adapter notre attitude au contexte est pertinent, mais prétendre que nous sommes sérieux ou bons tout au long de notre vie est hypocrite. La réponse sociale à cette situation nouvelle se trouve dans la phrase « Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre ». Le groupe devra sanctionner les critiques et l’intolérance pour les censurer, le juge deviendra coupable. Le nombre fera la norme, il sera plus facile d’admettre ses erreurs de jeunesse, ses moments de détente et de fête, la différence entre son image publique et son comportement privé. 

La société assumée sera donc très tolérante. Je ne pense pas qu’elle soit permissive pour autant. Nous intériorisons la morale au point qu’un simple miroir peut dissuader des enfants de mal se comporter, confrontés à leur propre image. Un monde sans secret nous incitera à être ce que nous voulons paraître, il nous enseignera également à accepter l’autre tel qu’il est. Peu à peu un équilibre se reconstruira entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Ceux qui acceptent facilement les applications intrusives des technologies de l’information considèrent généralement qu’ils n’ont rien à cacher. Je crois que la société assumée sera plus transparente, mais aussi plus fidèle aux valeurs qu’elle affichera. 

Les implications d’une telle évolution sur nos comportements et relations sociales sont difficiles à mesurer. Un entretien d’embauche est déjà précédé d’une recherche Google, demain il l’abordera ouvertement comme le CV ou la lettre de motivation. Plutôt que disparaître, la notion de vie privée prendra une place plus importante : il sera impossible d’en faire abstraction. Pourquoi d’ailleurs distinguer les vies privée, professionnelle, publique alors que nous n’en avons qu’une ? 

La connexion permanente

Dès lors que nous accepterons le prix à payer pour bénéficier des possibilités offertes par la technologie, elle deviendra une extension de nous-mêmes. Dans une certaine mesure nos téléphones le sont. L’accès immédiat à l’information et la connaissance se substitue à notre mémoire, tout comme notre agenda souvent synchronisé avec celui de notre conjoint. L’écriture rivalise désormais avec la parole comme moyen de communication. Elle était jusque récemment un choix par défaut, or nous décidons régulièrement d’envoyer un mail ou un sms alors que nous pouvons appeler ou voir physiquement notre interlocuteur.

Certaines entreprises veulent maintenant collecter des données à l’intérieur de notre organisme pour améliorer les soins médicaux. Même cette barrière tombera. Je me sens parfois frustré de ne pas pouvoir écrire ou accéder à l’information pendant que je marche ou que mes mains sont prises, je voudrais communiquer sans autre interface que la pensée. La technologie rendra bientôt cette forme de télépathie possible. Cela soulève des questions de taille : quel impact sur le cerveau ? quelle protection contre les contenus néfastes ? pourra-t-on pirater un cerveau ? Les doutes suffisent à me convaincre que nous devrions attendre, peut-être renoncer à ces possibilités. Mais ce n’est qu’une affaire de temps avant que l’humanité fasse ce dont elle est capable. Je vais donc supposer que nous trouverons des moyens de répondre aux questions que j’ai soulevées. 

J’ai appris que les moins de 20 ans n’apprécient pas les communications différées ou impersonnelles. Pourtant lorsqu’on s’adresse à eux ils regardent l’écran de leur téléphone. Cette attitude semble paradoxale mais j’y vois une cohérence. La connexion permanente induit une disponibilité difficile à gérer. Il faut apprendre à porter une attention simultanée à plusieurs canaux ou interlocuteurs. Sociologues et neurologues pourraient dire si les générations successives progressent réellement dans ce domaine. Notre habitude d’écrire des messages à de longues listes de destinataires mérite par exemple qu’on la réinterroge. Faire circuler l’information est le propre d’une société connectée, donc les canaux les plus performants supplanteront les autres.

L’e-mail véhicule parfois des informations utiles à long terme qui auraient plus leur place dans le stock (internet, les réseaux sociaux, tout ce qui être facilement requêté et partagé). Pour prévenir qu’une connaissance nouvelle est disponible, il y a les notifications. Le reste du temps il sert de support à un dialogue, dans ces cas nous sommes pris par le devoir de répondre rapidement. Nous adresser un e-mail lorsque nous sommes occupés revient au même que venir nous parler, cela nous interrompt. Nous pouvons bien sûr différer notre réponse et traiter les 100 messages de la semaine (de la journée parfois) en 2 ou 3 heures. Privilégier un dialogue instantané et personnel, écrit ou oral, serait moins chronophage. Pour cela nous prendrons l’habitude d’afficher en tous temps notre disponibilité.

Le contexte de connexion permanente n’est pas supportable, nous avons besoin d’aménager des espace de temps pour nos activités délibérées, pour ne pas subir un flux d’informations et de sollicitations incontrôlés. Assumer ce sera aussi se déconnecter, surtout quand la technologie nous (re)liera en permanence.

Une nouvelle vie active

Imaginons maintenant l’impact de ces évolutions sur notre vie professionnelle. Le monde de l’entreprise est une formidable illustration de la capacité humaine à combiner ses efforts pour réaliser de grandes choses. Relevez la tête, combien d’objets autour de vous ont sollicité le travail de moins de 10 ou 20 personnes ? La manière dont ces personnes coordonneront leur action changera profondément dans les décennies à venir. 

Premièrement nous avons vu que la frontière entre le privé et le professionnel va s’atténuer ou disparaître. Les différents temps de notre vie quotidienne formeront un tout, qu’il soit confus ou cohérent. Nous communiquons déjà avec nos proches sans distinction de notre occupation du moment. Nous cherchons aussi un travail qui nous plaise, qui soit motivant et enrichissant. Pourquoi alors délimiter fixement le temps privé et le temps professionnel ? Il ne sera pas évident pour les employeurs de renoncer à mesurer l’implication et la contribution d’un salarié par son temps de présence. 

Deuxièmement notre communication changera radicalement. Pour l’encadrement, renoncer à son contrôle est une première révolution. J’entendais encore récemment parler du ¼ d’heure d’avance donné aux managers. La gouvernance transparente n’est pas naturelle dans notre culture de relations conflictuelles, laisser ses subordonnés avoir le même niveau d’information que soi est une prise de risque. C’est le rôle même des lignes managériales qui change. Nous prenons conscience qu’avec les mêmes informations, nos équipes sont capables d’arriver aux mêmes conclusions que l’encadrement sur les décisions à prendre. Le dirigeant doit mobiliser les énergies, coordonner l’effort de tous, organiser les meilleures conditions de travail collectif. L’analogie célèbre du chef d’orchestre est plus vraie que jamais.

Énumérer les changements potentiels serait long. L’écriture de cet article s’étale sur plusieurs semaines, cela m’aide à l’enrichir et mûrir ma réflexion. Jeudi dernier, une relation professionnelle m’a fait remarquer une possibilité du partage de données qui m’échappait. Si le pôle emploi mettait à disposition de tous les données professionnelles des chercheurs d’emploi, leur mise en relation avec des employeurs potentiels ferait un bond en avant soutenu par de nombreux développeurs d’applications indépendants. Voici encore une illustration de l’importance des connexions aux autres pour faire croître les idées et du nombre de possibilités ouvertes devant nous. Pour cela beaucoup considèrent que l'âge d'or des créatifs commence à peine.

Alors par où commencer ? Je vois quatre pistes à explorer en priorité :

- Définir une politique d’ouverture des données et de la communication, mettre en place les outils mais aussi les rites et rythmes de partage transverse des informations
- Intégrer les développeurs informatiques aux fonctions support de toutes moyennes entreprises et directions opérationnelles de grands groupes et les associer à tous nos projets et nos démarches de résolution de problèmes
- Dessiner un nouveau modèle d’organisation d’équipes au sein desquelles chacun pourra choisir périodiquement son activité sous forme de tâches à accomplir, de manière à modifier l'équilibre entre productivité (à court terme) et créativité (c'est-à-dire productivité à long terme)
- S’inspirer des organisations associatives et des start-ups pour faire évoluer les pratiques managériales vers le modèle collaboratif (auquel je consacrerai mon prochain article, cette fois-ci pour interroger notre modèle démocratique).

En conclusion, notre société va être transformée radicalement par les progrès technologiques. Nous vivons une période comme il y en a eu peu dans l’histoire. Ces changements sont une chance, ils peuvent nous sortir de la stagnation que nous subissons depuis 40 ans. Au lieu de leur résister, il faudra les accompagner, c’est-à-dire les assumer.

mardi 8 décembre 2015

Lettre aux électeurs du Front National


Mesdames et messieurs les électeurs du Front National,

J'ai 30 ans et je me suis engagé il y a 4 ans en politique, au centre. C'est en partie pour vous que je me suis lancé dans cette activité bénévole, je voulais freiner l'avancée de l'extrême droite. Je vous en ai longtemps voulu de soutenir de telles idées. Dimanche j'ai tenu un bureau de vote, j'ai vu passer 128 d'entre vous qui sont aussi mes voisins. Nous nous sommes souri, parlé, je n'ai vu aucune différence avec les autres électeurs. Maintenant je veux vous parler, pas de ce qui nous sépare mais de ce qui nous unit.

Aussi loin que je me souvienne, j'ai grandi avec l'idée que je devais travailler dur à l'école pour ne pas finir au chômage. L'enfance était une compétition, à la fois sprint et marathon, la société n'avait pas de place pour tout le monde. Je me suis battu pour réussir par les études, d'une école de village, un lycée de banlieue, je suis allé en classe préparatoire et dans une école de commerce. Mes parents se sont sacrifiés plusieurs années pour m'aider à trouver la place que je voulais dans ce monde. En stage à l'étranger, on m'a demandé s'il n'y avait pas de travail dans mon pays pour que je vienne voler celui des Hongrois. Jeune diplômé, aucune entreprise ne semblait savoir que j'avais des compétences à lui apporter, elles voulaient toutes de l'expérience. J'ai vu des ingénieurs pleurer de ne pas trouver d'emploi avec un bac+5 dur à obtenir. En politique, la vieillesse semble être une compétence inégalable, les jeunes doivent obéir pour réussir.

Je n'ai pas de quoi me plaindre, j'ai obtenu une place, un rôle, un emploi. Mais je garde toujours le désagréable souvenir d'une société qui ne voulait pas de moi.

Je sais que les chômeurs, ceux qui ont peu ou pas de diplômes, ceux qui travaillent dans l'artisanat et l'industrie, les personnes âgées isolées, bien d'autres encore vivent cette sensation chaque jour. Je sais que les parents, même ceux qui ne manquent de rien, craignent cette situation pour leurs enfants. Trouvez-vous révoltant de vous sentir si désarmés face à un monde écrasant, si négligés par ceux qui ont obtenu un place dans le système ? Bien sûr que oui ! C'est injuste de jouer nos vies aux chaises musicales ! Qui décide lesquels d'entre nous n'ont pas d'utilité pour la France ? Que peut-on faire d'autre que détruire une société si inique ?

En 2008 j'ai cru que le capitalisme financier allait s'effondrer. J'ai espéré que l'urgence nous conduirait à inventer un nouveau système économique. En 2012 j'ai cru que le PS et l'UMP allaient imploser et laisser la place à un nouveau paysage politique. En 2015 je crois que la transition environnementale et les nouveaux codes culturels des jeunes vont faire apparaître une société plus saine et coopérative. En fait rien ne change car nous n'avons pas d'alternative. Nous savons que nous ne voulons plus du monde dans lequel nous avons grandi, mais nous n'avons aucune idée de celui qui pourrait le remplacer. Comme vous, j'en ai marre de vivre une compétition interminable, de n'être qu'un pion sur l'échiquier des autres, de faire ce que je peux plutôt que ce que je veux. Vous croyez que voter FN fera tomber le système pour qu'un autre meilleur prenne sa place, il n'y a sur ce chemin que la misère et la haine, aucune alternative crédible. Le système ne tombera que lorsque nous pourrons nous en passer.

Car il faut le dire, vous et moi nous sommes coupables. Nous achetons des produits fabriqués par des enfants chinois car nous essayons de vivre au mieux selon nos moyens. Nous ne votons pas pour des candidats jeunes et jamais vus à la télé, les vieux qui passent aux infos nous rassurent. Nous prenons l'emploi ou les aides sociales que nous pouvons. Nous acceptons chaque jour les règles d'un système que nous détestons car nous n'avons pas idée de comment faire autrement. Le Front National ne fera pas mieux là où il gagnera car il n'a pas l'ombre d'une solution. Ses propositions sont pétries de nostalgie et de peurs, comme si se rouler en boule ou revenir sur ses pas avait déjà permis de gagner une course.

Alors que faire ? Devez-vous continuer à alimenter le système en votant pour les partis habituels ? Oui, tout comme vous continuez à aller travailler ou chercher un emploi et à consommer. Oui, parce que c'est le choix qui nous donne encore un peu de temps pour trouver une solution. Nous sommes comme un adolescent en crise. Il veut quitter le foyer familial, mais il doit accepter des règles qui lui déplaisent tant qu'il ne peut pas subvenir à ses besoins. Comme lui, nous devons faire des études, trouver un travail et un logement avant d'être libres et indépendants.

Regardez sur internet : les outils collaboratifs se multiplient pour écrire des encyclopédies, financer des projets, inventer des choses. Regardez dans les associations : les gens s'entraident, changent le monde qui les entoure à coups de petits projets, la politique hors des partis émerge. La génération Y, celle qui demande "pourquoi" est au travail. La génération suivante, dite "connectée", casse les codes et réinvente la culture, les chemins de la réussite et de l'entrepreneuriat. Nous allons réussir, nous allons inventer une alternative au système que nous avons hérité du XXème siècle. Pour cela il faut que vous nous donniez une chance et du temps. Venez dans les associations et sur internet faire société avec nous, mais ne mettez pas le feu à notre maison, ne votez pas pour le Front National. 


mardi 24 novembre 2015

Le président du Modem Haute-Loire refuse de soutenir Laurent Wauquiez

Le président du Modem en Haute-Loire affiche dans un communiqué de presse son refus de soutenir Laurent Wauquiez aux régionales, je vous partage son message :

La réponse de Laurent Wauquiez, en Avril 2015, sur la question d'une alliance avec le centre, UDI et MODEM : "cette idée  proposée par Alain Juppé est une  profonde erreur". Wauquiez dénonce le  "gloubi-boulga" dans lequel s’enfonce  selon lui "toute une partie de la classe  politique qui n’ose plus assumer et  défendre ce que nous sommes". "Nous refusons la voie portée par certains d’une  fusion avec le MODEM et l’UDI avant  même d’avoir réfléchi à nos idées".

Jusqu'au début de cet été, d'autres propos illustrent son peu de considération pour le centrisme, mou et peu fiable. Les centristes le lui rendent bien. Au printemps, quelques responsables nationaux ont eu des formules très dures à son égard. Je ne citerai qu'un responsable centriste régional : "à notre droite, il y a un discours ultraclivant qui prête le pas aux rassemblements homophobes, europhobes et islamophobes".

Le personnage Wauquiez, tellement communicateur, prête parfois à sourire. Sa proposition des Etats du Velay fleurait  bon l'Ancien Régime, par association, je m'étais surpris à penser : billevesées. A Clermont, il est plus "bougnat" que les  Auvergnats, sûrement une ascendance arverne. A Lyon, il est plus "gone" que les Lyonnais, mais plus certainement descendant d'un Consul Romain que fils de Canut. 

Hélas, trop souvent, ses propositions et ses formules sont choquantes et affligeantes. Le choix des provocations semble dicté par sa course aux médias. Aux problèmes bien réels de la construction européenne, de la politique  sociale et de la sécurité, les réponses ne doivent pas être idéologiques.

M. Wauquiez, quelques centristes ne sont pas "des robinets d'eau tiède" et trouvent que vos convictions baladeuses s'adaptent toujours à vos besoins électoraux.

Le seul argument de l'Alternance ne produit que l'attribution des rôles et des places. Cette distribution est à présent inquiétante depuis qu'un troisième larron s'est invité au partage. Forte de son  passé, de sa langue et de sa culture, je crois et je milite pour une FRANCE  Rayonnante.

Tellement attaché à mon indépendance et à ma liberté, je l'applique aux autres. En décembre, chaque électeur votera comme bon lui semble, dans le secret  de  l'isoloir.

Jean-Marie PEYRON
Président du MODEM 43

dimanche 22 novembre 2015

Pourquoi je voterai contre Laurent Wauquiez aux élections régionales

Le ralliement de quelques centristes à Laurent Wauquiez ne représente pas le Modem
Depuis le 11 juillet, Patrick Mignola et un groupe de responsables locaux du Modem ont imposé aux militants un accord qu'ils désapprouvent. Le seul conseil départemental qui a pu s'exprimer avant que l'accord passé avec Laurent Wauquiez soit confirmé dans la presse est celui du Rhône et de la métropole de Lyon. Le 21 juillet, il a réaffirmé à l'unanimité sa volonté de présenter une liste indépendante au premier tour des élections régionales.
Mis devant le fait accompli, les autres conseils départementaux ont été consultés un mois et demi plus tard  sans débat contradictoire, pour entériner une union déjà consommée au Mont Mezenc lors du lancement de campagne de Laurent Wauquiez. Nos instances nationales, dans la même posture, n'ont pu que constater un accord local déjà effectif.
Les responsables départementaux concernés ont abusé des mandats qui leur ont été confiés et confisqué la démocratie interne du Modem. Les médias présentent souvent la liste de Laurent Wauquiez comme LR / UDI / MODEM, mais une grande partie des militants du centre ne le reconnaissent pas comme leur candidat.

Le centre, absent de ces élections, doit se relever
J'ai espéré qu'une liste centriste porte une voix alternative, j'ai même travaillé dans ce sens avec plus d'une centaine de militants du Modem. A la veille du dépôt de liste, nous avons choisi de poursuivre notre chemin sans nous présenter à ces élections. En effet, la présence de membres de notre parti sur les listes de Laurent Wauquiez et Jean-Jacques Queyranne crée trop de confusion pour que nous soyons audibles.
Nous sommes, dans notre parti, collectivement responsables de l'absence d'une liste qui représente nos idées pro-européennes, libérales et humanistes. Le Modem s'affaiblit continuellement depuis sa création. Seule une réforme profonde de nos instances locales permettra d'inverser cette tendance, en remettant notre fonctionnement en phase avec celui de la société civile. Dans l'immédiat c'est en tant qu'observateurs avertis que nous participons aux élections régionales.

Je souhaite la défaite de Laurent Wauquiez
Depuis plusieurs années, ce député-maire s'illustre par des postures extrêmes sur divers sujets. Avec la Droite Sociale, il a fait des bénéficiaires d'aides de l'Etat sa cible prioritaire. Il qualifie l'assistanat de "cancer de la société", suggérant que les chômeurs sont responsables du chômage par un refus de travailler, provoqué par des aides trop élevées. Sa solution pour soutenir le dynamisme économique de la France est donc de plonger les plus fragiles dans la misère.
En ce qui concerne l'Europe, c'est un fédéraliste bien particulier. Il prône en effet le retour à une union limitée à 6 pays et la fin de la libre circulation (espace Schengen). Comment notre région peut-elle espérer rayonner avec un président qui rêve de repli sur soi ?
Pendant sa campagne, il s'est démarqué avec des propositions fortes sur deux thèmes qui n'ont rien à avoir avec les compétences régionales. Pour commencer, il s'est exprimé devant les militants de Sens Commun (organisation issue de La Manif pour tous) pour faire de ses convictions religieuses un argument de campagne. Dans notre démocratie, tout responsable devrait s'engager à défendre tous les citoyens, pas uniquement ceux qui partagent ses croyances. Aucun politicien ne devrait se présenter comme le champion d'une religion, la foi n'est pas une opinion politique.
Ensuite, il s'est jeté sur les journaux nationaux au lendemain des attentats de Paris pour faire valoir ses idées. Il est déjà indécent d'adopter un comportement aussi opportuniste face à un drame national, mais en plus les idées en question sont nauséabondes : enfermer sans jugements ni même délit commis 4000 personnes dans des "centres d'internement". Une décision aussi lourde ouvrirait la voie à un recul progressif de nos libertés fondamentales. Elle s'accompagnerait d'arrestations arbitraires, l'apparition d'un délit d'opinion et la persécution "préventive" d'innocents, qui alimenteraient finalement les tensions et l'insécurité dans notre pays. Accusé dans son propre parti de vouloir créer des "Guantanamo" en France, sa seule défense est que "il n'y aurait pas de torture". (voir la pétition à ce sujet en cliquant ici


En cas de victoire, il fera de notre région le laboratoire et la tribune de ses idées extrêmes, avec des vice-présidents comme Philippe Meunier et Brice Hortefeux. Je souhaite donc que de nombreux électeurs se mobilisent les 6 et 13 décembre pour obtenir la défaite de Laurent Wauquiez.

jeudi 17 septembre 2015

Nous devons accueillir et intégrer les réfugiés

Voici un communiqué de presse donc je suis co-rédacteur. Il a été diffusé lundi 14 septembre par plusieurs conseillers nationaux du Modem.

La haine et l’intolérance ont touché la France au cœur lors de l’attentat contre Charlie Hebdo, des agents de police et une supérette Hyper Cacher entre le 7 et le 9 janvier de cette année.  Alors que le même extrémisme pousse aujourd’hui des centaines de milliers de familles sur le chemin de l’exil, allons-nous leur fermer nos portes ?

Nous refusons de laisser mourir les victimes de la guerre et nous choisissons de miser sur l’avenir commun que nous pouvons construire avec elles. Nous voulons faire rayonner dans le monde la tolérance et l’humanisme européens qui ont conduit ces familles à se tourner vers nous. Pour cela il n’existe qu’un bon chemin :
Accueillir et intégrer les réfugiés de manière organisée et bienveillante.

Nous tenons pour commencer à rappeler l’article 14 de la convention de Genève de 1951: « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays. ». 

Face au drame que ces familles ont vécu dans leurs foyers puis sur les chemins de l’exil, nous ne pouvons pas les maintenir des années durant dans une situation précaire et insalubre, nous ne voulons pas sacrifier l’avenir des enfants qui demandent notre secours. Nous avons trois outils à mobiliser pour répondre à ce défi : l’éducation, l’emploi et la mixité sociale. Voici comment nous souhaitons les mettre en œuvre :
1.       Rien n’est possible sans couvrir les besoins vitaux de ces populations, il faut donc commencer par construire des « villages de réfugiés » préfabriqués pour les loger dans de bonnes conditions d’hygiène et de sécurité[1].
2.       La reprise d’une scolarité par les enfants demande un temps d’adaptation. Chaque village devra disposer d’une « école » en charge d’enseigner le Français à tous ses habitants et de préparer les enfants à intégrer notre système éducatif.
3.       Les adultes arrivent avec des compétences, elles devront être évaluées et complétées pour que chacun obtienne un certificat lui permettant d’exercer son métier en France. Tous les réfugiés devront accéder au marché du travail.
4.       Le séjour de chaque famille dans ces villages devra être temporaire. Elles seront accompagnées pour trouver un logement et un emploi en France, pour que chacune subvienne à ses besoins et s’intègre à la société française. La diversité des destinations évitera la formation de ghettos communautaires.

Nous voulons mettre aussi en avant le travail réalisé par les associations. Ce qu’elles font est remarquable. Nous appelons aussi l’ensemble des Français à se mobiliser pour soutenir ces familles qui fuient notre ennemi commun : Daesh.

Nous rappelons que ramener la paix et la sécurité au moyen orient est indispensable, que l’Europe doit prendre ses responsabilités face aux guerres qui font rage à ses portes. Cela ne répondra cependant pas aux besoins immédiats de ceux qui les ont fuies. 

Oui, ces mesures nous demandent un investissement important, mais elles enrichiront notre nation économiquement, socialement et culturellement. Elles nous donneront la plus belle victoire possible contre la terreur, celle de la bienveillance, de l’espoir et de la prospérité.

Démocrates et Citoyens :
Cyrille Isaac-Sibille, Conseiller national Modem du Rhône
Béatrice Doutriaux, Conseillère nationale Modem de l’Isère
Angélique Perinet, Conseillère nationale Modem de Haute Savoie
Pierre Escaich, Conseiller national Modem de l’Allier
Thomas Delpech, Rédacteur pour Démocrates et Citoyens

Jeunes Démocrates :
Jean-Baptiste Legouy, Président des JDEM du Rhône et de la Métropole de Lyon
Emilie Prost, Secrétaire Fédérale des JDEM du Rhône et de la Métropole de Lyon
Fabien Gelato, rédacteur pour les JDEM du Rhône et de la Métropole de Lyon
Alexandre Barbier, Trésorier des JDEM de la Loire
Patrick Gabet-Rougemont, Président des JDEM de l’Ain

[1] Chaque village abriterait au maximum 300 personnes en autogestion partielle (avec des représentants qui seront le point d’entrée des associations et des institutions) ; Un village de préfabriqués (dortoirs + réfectoires) coûterait moins de 1000€ par personne hébergée

mardi 28 avril 2015

Notre démocratie peut-elle devenir coopérative ?

Ma courte expérience politique m'a ouvert les yeux sur certaines caractéristiques de notre système électoral. Avant, je pensais naïvement que les élus étaient choisis par le peuple. Maintenant je comprends qu'ils sont surtout cooptés par leurs pairs au sein des partis. Les élections sont une compétition qui se prépare à long terme et dont les étapes de sélection, des pools aux quarts de finale, se jouent loin des yeux du public. 
La conséquence la plus évidente de ce système est le rejet de la politique par les citoyens et le refus des jeunes de s'y engager. L'image du politicien qui ne pense qu'à gagner et conserver son mandat n'est pas entièrement fausse, il s'agit trop souvent d'une nécessité. Je vais commencer par explorer les causes et les conséquences du modèle compétitif. Je vous exposerai ensuite pourquoi je pense que ce modèle est obsolète. Enfin j'essaierai d'imaginer un système politique démocratique et coopératif pour notre société.

En quoi la compétition est-elle utile ?

L'hypothèse fondamentale de notre système social, qui a été vérifiée en grande partie jusqu'ici est que la liberté individuelle sert l'intérêt collectif. C'est en effet la thèse d'Adam Smith pour le système économique libéral, qui suppose que chaque producteur indépendant va naturellement servir le bien de tous. Un autre économiste, Nash, a montré que l'équilibre est plus subtil. Chaque acteur doit en effet arbitrer entre son intérêt à court terme (plutôt individuel) et à long terme (plutôt collectif) car il arrive que ceux-ci soient contradictoires. La traduction de ces idées dans notre économie est l'équilibre entre la liberté et la régulation dans le système concurrentiel. Le régulateur s'assure que le marché primera sur l'acteur par le jeu de la concurrence. Notre République applique ce principe à la politique : les hommes et femmes politiques sont en compétition pour les mandats et c'est l'électeur qui va valider lequel de leurs intérêts individuels est compatible avec le sien.

Ce fonctionnement a servi les progrès accomplis depuis le début du XIXe siècle. Il a donné à ceux qui avaient la plus forte volonté de réussir les moyens de leur action, jusqu'à leur associer par l'entreprise, les syndicats ou les partis des soutiens, des suiveurs ou des subordonnés (toujours libres et volontaires dans une certaines mesure). La diversité des idéologies et modèles économiques et sociaux a longtemps donné du fond et du sens à cette compétition. Dans son rôle d'arbitre, le citoyen a un réel pouvoir souverain. Les candidats doivent lui plaire à tout prix.

En quoi ce modèle est-il nuisible ?

Ce système a cependant des limites et des conséquences négatives. Celle qui me tient le plus à cœur est la détérioration du lien humain. La compétition permanente ne nous permet pas d'aimer notre prochain comme nous-même. Nous pouvons toujours aimer l'autre, à condition que ses intérêts rejoignent les nôtres, qu'il nous soit profitable. Or cette convergence est instable, elle ne dure pas. La question de Nash devient une obsession, dois-je soutenir ou trahir mon ami, mon parti, mes électeurs, pour atteindre mes objectifs ?

Je vois une seconde conséquence frappante, que nous essayons de compenser par la contrainte légale : le manque de femmes en politique. Je crois sans aucun machisme que notre culture et notre éducation des enfants prépare plus les hommes à la compétition et les femmes à la coopération. L'ambiance du milieu politique a de quoi rebuter les moins compétiteurs, elle prive notre pays de nombreux talents.

La première qualité de nos dirigeants est la capacité à mener une bonne campagne électorale. A quoi servent toutes les autres valeurs et compétences si vous êtes incapable de gagner un mandat ? Nous le constatons sans cesse, cette qualité ne suffit pas à bien gouverner et ne répond plus aux besoins d'un monde devenu coopératif, horizontal et connecté en réseau. Étant donné notre besoin de communication et de coopération, je parie que l'âge d'or des femmes dirigeantes arrive. 

La dernière conséquence que je veux aborder, il y en a bien sûr d'autres, est le système clanique des partis. L'humanité a vite compris que le meilleur moyen de vaincre est par le nombre. Nous coopérons au sein d'un groupe en compétition avec les autres, l'agglomération des groupes s'adapte en permanence aux forces rivales. Ainsi les formations politiques proches se rassemblent quand elles sont faibles et se déchirent au lendemain de la victoire. Pour les hommes et femmes qui les composent, la pression est permanente : soyez fidèle au groupe quoiqu'il arrive sinon vous êtes exclu et broyé. Mettons-nous à leur place au moment de lever l'immunité d'un équipier. Que choisir ? Vos valeurs, vos électeurs et la France ou votre équipe ? 

Pourquoi tourner la page sur ce système ?

A ce point de ma réflexion, j'étais désespéré. Puis j'ai entendu lors de conférences ou d'échanges avec d'autres militants que plusieurs souhaitent changer cette situation. L'obsolescence de notre modèle compétitif est de plus en plus visible. Prenons l'exemple des jeux de société. Pendant longtemps ils organisaient tous l'affrontement des joueurs, parfois en équipes. Nous en trouvons désormais qui imposent d'optimiser la coopération de tous les participants pour gagner ou perdre collectivement face à une menace. Ce n'est pas anodin car la manière dont nous jouons reflète et structure notre lecture du monde. Or les défis auxquels nous sommes confrontés tels que le chômage de masse, les risques environnementaux ou les crispations identitaires sont profondément différents de ceux du passé tels que le choix entre capitalisme et communisme, monarchie et république, égalité et équité, etc. La répartition des richesses et du pouvoir devient secondaire alors que l'humanité joue son avenir. Nous sommes face à des phénomènes qui nous touchent tous et que nous devons vaincre ensemble. Nous en avons le sentiment, voir des politiciens se battre pour des places au lieu de se battre contre nos problèmes est insupportable. 

Les technologies et l'économie nouvelles nous enseignent par la plume de Metcalf que la puissance d'un réseau est le carré du nombre de ses participants. Nos partis, nos institutions et notre société civile seront d'une puissance formidable s'ils composent un seul réseau. Tout cela est prometteur en théorie mais compliqué à appliquer au gouvernement du pays.

Comment concilier démocratie et coopération ?

La fin de la compétition serait l'arrêt de la démocratie, le système du parti unique est fréquent en dictature. Il est d'ailleurs très efficace en Chine et désastreux en Corée du Nord. Nous ne voulons certainement pas en arriver là. Nous devons au contraire inventer une nouvelle forme de gouvernance qui renforce la place du peuple. Je vois plusieurs critères à remplir pour relever ce défi : valoriser les acteurs publics selon leur impact sur la société, assurer un dialogue ouvert et permanent, maintenir (rétablir) notre capacité à décider et construire efficacement, ne pas écraser nos vies sous une usine à gaz technocratique. 

Vous avez sans doute des idées pour chacun de ces points, écrivez-les donc en commentaire pour enrichir notre réflexion. Voici les miennes :
Supprimer le "package candidat-programme". Confier un mandat politique équivaut à recruter pour un poste en entreprise, le jury est simplement plus nombreux. Ce qui doit compter est la compétence du candidat, la combinaison de son savoir, son savoir-faire et son savoir-être. Il devrait nous parler de ses expériences, les réussites comme les échecs et ce qu'il en a tiré, de ses connaissances academiques, pratiques et relationnelles, et enfin de ses valeurs, qualités et défauts. Nous pourrions proposer une simple feuille A4 sur laquelle chacun se présenterait selon nos critères. Quant au programme, nous l'établirons ensemble par pas réguliers, comme je l'expose plus bas.
Séparer dans chaque parti une branche électorale (qui existe déjà) et une branche sociétale (que nous devons bâtir). Cette dernière serait le prémisse des institutions que ce parti entend gérer ou mettre en place. Ils est inutile d'attendre un mandat pour être utile à la communauté, puisque c'est le souhait premier de tous les hommes et les femmes politiques (je le pense). Il ne s'agit pas de se substituer à l'Etat ou la société civile, mais de créer les liens, les connections et le dialogue entre eux, de faire vivre le débat et collecter le souhait de tout ou partie de la société concernant les décisions à prendre.
Élaborer un plan à long, moyen et court terme dans de grands débats nationaux et locaux, selon un fonctionnement "wiki" animés par les partis et ouverts à tous les contributeurs. Ils seraient respectivement choisis par exemple tous les 10 ans, 3 ans et 1 ans. Les élus auraient alors la charge de les appliquer au mieux et la liberté d'ajuster leur action en fonction de l'actualité du monde.

Au-delà des idées, comment agir ?

Je crois que ces trois actions sont accessibles et auraient un impact énorme sur la santé de notre démocratie. Puisque j'y crois, j'agis. En tant que président des Jeunes Démocrates du Rhône, j'ai travaillé pendant deux ans en priorité à notre formation et notre cohésion pour nous préparer à nous rendre utiles. J'ai incité nos militants à s'impliquer dans des associations et leur conseil de quartier, je le fais moi-même à Gerland. J'ai participé aux élections municipales pour soutenir l'équipe que je croyais plus efficace pour la ville, cela m'a permis de les connaître et de collaborer malgré la diversité de nos idées (que tous ont respectée). Je me lance maintenant derrière Jean Lassalle dans un projet associatif de dialogue citoyen qui pourra inspirer tous les partis pour construire leur branche sociétale, et je porte cette idée au MoDem comme dimanche 26 en préparation des élections régionales

Vous tous, dans vos engagements associatifs et professionnels, l'expression de vos souhaits et vos idées (notamment sur Internet), les valeurs de partage et de coopération que vous portez autour de vous, vous êtes aussi les acteurs du renouveau démocratique par lequel nous relèverons les défis de notre temps.


dimanche 11 janvier 2015

La France déchirée ?

Cette semaine a mis notre démocratie à rude épreuve. L'attaque de djihadistes contre Charlie Hebdo nous a rappelé qu'il est possible en France de mourir pour une idée. Alors que le recueillement et l'union nationale ont été la réaction spontanée de millions de Français, des divisions profondes sont également apparues au grand jour. Quelles seront les conséquences de cette terrible semaine ?

La police, gardienne de la liberté

Je veux commencer cet article par un hommage à la police. On les appelle gardiens de la paix ou forces de l'ordre, ils sont aussi les gardiens de notre liberté. Sans ces hommes et ces femmes, nous serions à la merci de tous ceux qui voudraient nous imposer par la force leurs idées, leur volonté. La police, c'est la force au service de la société, des valeurs de la république et de nos décisions collectives. C'est la raison pour laquelle nous, citoyens, n'avons pas besoin de porter d'arme.
Ils sont en première ligne face à la violence qui nous vise, ils ont payé un lourd tribut cette semaine. Ils ont traqué puis arrêté les terroristes. Depuis longtemps ils en empêchent bien d'autres d'agir, nous leur devons bien des vies et bien des hommages.

Une action, trois réactions

Mercredi, deux hommes armés de kalachnikovs ont imposé leur loi à un journal français. Des fanatiques ont pu condamner à mort des citoyens français depuis le Yémen, pour un blasphème. Leur but est d'imposer une loi du silence partout dans le monde, et nous devons prendre leurs menaces au sérieux. La possibilité de tuer ses contradicteurs est revenue dans notre société alors qu'elle semblait enfermée dans nos livres d'histoire.

J'ai vu trois réactions différentes, qui marquent une déchirure dans la société nationale.

La résilience

La majorité des Français a immédiatement exprimé le refus de céder aux menaces et à la peur. Les nombreux rassemblements affirment l'importance que nous accordons aux valeurs de notre société. Je retrouve dans cette attitude l'enseignement biblique de tendre l'autre joue. Il s'agit de relever immédiatement la tête quitte à l'exposer à un second coup. Il s'agit de répondre aux terroristes qu'ils peuvent nous menacer et nous frapper, mais pas nous imposer leur volonté.

La vengeance

Nous avons déjà constaté des attaques contre les Musulmans de France. La volonté de rendre coup pour coup est humaine. Ce travers est l'un des premiers que la récit de notre création évoque. Dans la Genèse un descendant de Cain, jure de se venger lui-même 77 fois malgré la promesse de Dieu de le venger 7 fois. Dans la foulée le déluge noie cette humanité.
Nous devons rejeter nos pulsions vengeresses car elles ne feront qu'alimenter une violence nuisible à tous. Combien de sang a coulé entre la France et l'Allemagne avant que le dialogue et la coopération s'imposent ? Certains croient ce chemin impossible avec le monde arabe, pourtant il y a cent ans nous mourions par millions dans les tranchées.
Je suis convaincu que les seuls qui puissent vaincre le djihadisme sont les Musulmans.

La justification

La troisième réaction est la justification. Comment lutter contre les amalgames quand de si nombreuses voix d'enfants et d'adultes justifient l'horreur ? Dans les écoles et sur les réseaux sociaux, des citoyens français et leurs enfants prennent parti pour les terroristes. 
Je trouve ces réactions encore plus violentes et inquiétantes que l'attentat lui-même. 
La volonté des groupes qui se sentent dominés à prendre le dessus sur les autres n'est pas nouvelle. C'est même le jeu politique de la droite et de la gauche, tantôt opposition révoltée puis majorité triomphante. Tout ce qui encourage des Musulmans de France à se percevoir comme un groupe dominé entretient la déchirure que nous avons cette semaine sous les yeux.

Le dialogue ou la terreur

Cependant l'idée de devenir par la violence et même la terreur un groupe dominant est moins courante et plus effrayante. Elle n'est pas propre à une religion, elle nous ramène aux pages les plus dures de notre histoire. N'oublions pas que le concept politique du terrorisme est né pendant la révolution française, au service des idées républicaines. C'est le rejet de ces pratiques qui a fondé notre modèle démocratique pluraliste.

C'est bien ce modèle qui est mis au défi. Notre société n'arrive plus à formuler un projet d'avenir et à décider de règles de vie commune qui nous unissent. La confiance entre le peuple et les institutions est rompue, que ce soit l'école, la police ou le gouvernement. 
Au-delà de la résilience, la nation française doit se réapproprier son modèle démocratique et réinventer ses institutions pour les adapter au monde d'aujourd'hui et de demain. Elle doit soutenir particulièrement ceux se trouvent en première ligne dans la lutte contre les extrémismes : l'éducation nationale, la police et l'armée. Nous avons vu que les menaces sur notre mode de vie sont sérieuses, nous devons consacrer une part conséquence de nos efforts et de nos richesses à le protéger et à le perpétuer.

L'avenir reste entre nos mains

Il nous appartient de choisir les conséquences de cette semaine. Elles seront funestes si nous laissons la peur nous diriger. Elles feront honneur à nos valeurs si nous formulons un projet de société qui inspire à nos concitoyens et au monde une nouvelle ère de dialogue.